Voici le témoignage d'Alain.
Alain fait partie de ces sympathiques personnes qui acceptent de recevoir des cadres en recherche d'emploi via le Réseau.
Sauf que, cette fois-ci, mauvaise pioche, il est tombé sur Marcel.
Place au récit.
Marcel est en transition de carrière, comme on dit poliment pour ne pas utiliser le mot honni "chômage", et il m'appelle pour que je lui accorde rapidement un rendez-vous d'information et de conseils.
Il insiste pour que cela se fasse dans la semaine et propose élégamment de m'inviter à déjeuner.
J'accepte avec joie car un déjeuner peut s'insérer dans mon agenda surchargé, alors qu'un entretien en milieu de matinée ou d'après midi est impossible.
Je lui précise bien cependant que j'ai un rendez-vous à 14h30.
Au restaurant, il se montre très bavard et occupe à 90% l'espace de parole.
Au bout de quarante cinq minutes, il passe aux questions. Et là, ses demandes sont floues, vagues, évanescentes.
Bref, il mouline dans la semoule tout en se gavant d'une monstrueuse tarte aux myrtille qui lui donne un sourire bleuté.
Le temps passe et l'addition arrive sur la table à 14h00.
Il ne prend pas l'addition. Moi non plus.
Les minutes s’égrènent. Il continue de pérorer.
Je vois bien qu'il a repéré l'addition, mais il ne s'en saisit pas.
A 14h15, ne le voyant toujours pas se manifester, je prends l'addition en pensant qu'il va réagir et me l'arracher des mains dans un sursaut de courtoisie.
Que nenni ! Il me sert son plus beau sourire moucheté de myrtille !
j'appelle le serveur, je règle et me lève.
Marcel se lève à son tour et, sans hésiter, ni me remercier, il récupère la note, la glisse nonchalamment dans sa poche en poursuivant son babillage insipide.
Sacré Marcel !