Certains dirigeants d’entreprise sont souvent des réseauteurs du dimanche. Leurs responsabilités devenant de jour en jour plus lourdes, ils ont tendance à considérer le Networking comme un aimable passe-temps pour des fonctionnaires désœuvrés et des salariés gavés de RTT. Ne voyant que les défauts du Réseau, ils considèrent ce dernier comme une perte de temps, de la basse politique, voire, pire, du piston. De surcroît, à leur niveau de responsabilité, ils sont convaincus qu’ils n’ont pas besoin de ce gadget à la mode pour piloter efficacement leur société.
Prenons l'exemple d'un dirigeant inscrit à une ou deux associations et qui n’a jamais le temps d’assister aux événements organisés par ces dernières, car ils ne sont pas prioritaires dans son agenda. Il néglige ainsi la fréquentation de ses pairs qu’il considère comme des concurrents avec lesquels il ne veut pas partager d’informations, ou comme des professionnels estimables, mais à mille lieux de son propre univers professionnel. Le seul réseau qu’il consent à activer s’apparente à un petit cercle de collaborateurs en interne sur lequel il s’appuie pour faire tourner l’entreprise et le business.
Le dirigeant se voit souvent dans la peau de John Wayne, dans un rôle de cow-boy solitaire et dur, qui règle ses problèmes tout seul, sans besoin d'un quelconque shérif. Cette attitude le conduit souvent à l’isolement et à des erreurs de jugement aussi dommageables pour son image que pour son entreprise. Des livres comme Quand les grands patrons se plantent de Sydney Finkelstein (Éditions d’Organisation, 2004) et Vertiges du miroir : le narcissisme des dirigeants de Bénédicte Haubold (Lignes de Repères, 2006) sont particulièrement éclairants sur les conséquences de ce syndrome. Le dirigeant atteint de la myopie du Réseau évite les conférences, les séminaires de réflexion, tous ces événements qui l’empêchent de se consacrer à la gestion des problèmes que seule, croit-il, son omnipotence peut résoudre.
Le dirigeant s’enferme ainsi dans le personnage du loup solitaire qui se méfie de ses congénères et, lorsqu’une vieille relation d’affaires qu’il n’a pas vue depuis dix ans l’appelle pour déjeuner avec lui, il est sûr de deux choses : il va payer le repas et son « vieil ami » est à la recherche d’un job. En délaissant le Réseautage, le dirigeant prend un risque pour lui et pour l'entreprise. En ce qui le concerne, il ne profite pas de la formidable source d'informations et de conseils que constitue le Réseau et il ne se dote pas d'un parachute en cas d'éjection non souhaitée. Pour son entreprise, il passe à côté d'un levier de business essentiel. Ce qui fait beaucoup pour un seul homme - et un homme seul.